Crépine Gandaho Amoussou, réparatrice d’élèves en difficulté d’apprentissage

Il n’y a pas d’apprenants « tarés ». Encore moins d’élèves « bêtes ». Une conviction qui motive Crépine Gandaho Amoussou à accompagner les élèves dits de niveau intellectuel faible. A travers l’ONG Groupe d’action pour la motivation et l’éveil intellectuel des apprenants (GAMEIA), la consultante en psychopédagogie et plusieurs de ses collègues enseignants déploient une méthode d’encadrement qui produit déjà des résultats.   

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« Tout est parti d’une expérience personnelle. En classe de terminale, j’ai promis à mes parents de donner le meilleur de moi-même et ils ne croyaient pas en moi. J’ai alors mis sur pied sept secrets pour une méthode efficace de travail », entame Crépine Gandaho pour renseigner sur l’origine de son initiative de «réparation » des apprenants perçus comme intellectuellement faibles. En respectant cette méthode, poursuit-elle, l’élève qu’elle était, a pu dès le premier semestre être la deuxième de sa classe avant de terminer l’année 1ère. Crépine en a déduit que «bien organisé, tout apprenant peut réussir. Pour moi, il n’y a pas d’apprenant bête. »

Sa méthode l’aidera aussi à « bien finir » ses études de premier cycle à l’université. Après une Licence en Droit et un CAPES en Philosophie, Crépine Gandaho fait un Master en gestion des ressources humaines. Ses travaux de recherche en Master portent sur le « Soutien didactique aux apprenants de niveau intellectuel faible ». A l’issue de la soutenance, raconte-t-elle, le jury « satisfait» de la qualité du travail a recommandé que le projet soit réellement mis en œuvre afin d’aider les apprenants, notamment ceux en difficultés.

Cas pratique

Concrétiser la recommandation du jury a été plus que difficile pour la psychopédagogue et désormais spécialiste en gestion des ressources humaines. Malgré ses 10 ans d’ancienneté dans l’enseignement, en 2015, elle se retrouve coincée sur un premier cas. « Ma première expérience fut avec un apprenant en classe de 1ère que j’encadrais à domicile, en philosophie. Après deux mois d’encadrement, il n’avançait pas, malgré toutes mes recettes. Lorsqu’on lui parle, il dit : c’est mon destin », se souvient-elle. «J’ai alors décidé de démissionner », lâche-t-elle. Crépine savait en son for intérieur que renoncer face à un cas exceptionnel n’était pas l’option indiquée pour une psychopédagogue de son état. Mais elle n’entendait pas « décevoir » les parents de son protégé. Ceux-ci n’étaient non plus prêts à la laisser partir. « Les parents se sont opposés et m’ont encouragé à continuer. Ils m’ont fait comprendre qu’il a toujours été comme ça depuis les basses classes ». 

Partir apparaissait aussi pour l’enseignante comme un aveu d’impuissance. Crépine Gandaho va donc décider de rester pour relever le défi. « Avec le temps, le comportement de l’enfant a commencé à changer. Ses notes étaient également meilleures. Les autres répétiteurs me demandaient comment je m’en suis prise avec lui », se souvient Crépine. Comme quoi, tout sourit à qui sait attendre. L’apprenant est passé en Terminale. L’année qui a suivi, raconte la spécialiste des ressources humaines, son encadrement est plus aisé. Et il décroche le BAC.  « Il est actuellement en 3e année d’université », apprend avec fierté, celle qui a provoqué ce succès remarquable.

Galvanisée par ce ‘’success story’’, Crépine Gandaho se dit qu’elle peut aider le plus d’apprenants possible.  Après conseils de plusieurs personnes dont son directeur de mémoire, elle décide de transcrire sa méthodologie dans un livre. En 2016, elle publie « Méthode efficace de travail pour tout apprenant », destiné aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage et d’organisation. En 2018, elle sort « Comment motiver les apprenants en difficultés d’apprentissage ? » Ce deuxième manuel est dédié aux enseignants et aux parents d’élèves.

Témoignages

L’idée de l’Ong GAMEIA a germé après la sortie de son premier livre en 2016. Formalisée deux ans plus tard, l’organisation composée  d’enseignants et d’étudiants en fin de formation offre des services d’encadrement à domicile aux enfants en difficulté sur le plan académique.  « D’abord je pose le diagnostic, ce qui bloque l’enfant je le fais savoir aux parents. Ensuite, je fais des recommandations en me basant sur le contenu de mes deux livres. Les deux livres servent de base pour le projet », partage la psychopédagogue. Elle est aussi sollicitée  pour la formation des enseignants à la rentrée et des conférences à l’endroit des parents d’élèves.

Au titre de l’année académique 2018-2019, GAMEIA a encadré 44 élèves en difficulté d’apprentissage dont 32 en classes d’examen (15 aux Baccalauréat et 17 au BEPC). Sur ces 32, seul un apprenant de Terminale a échoué aux examens. « Il y en a qui avait 4 ou 5 de moyenne avant de nous rencontrer et ils ont eu aussi le BAC », apprend la Directrice exécutive. « Dans le lot, certains apprenants avaient déjà un niveau moyen », précise-t-elle.

« Jadis nous avons été à plusieurs reprises rabaissés et humiliés à cause de nos faibles rendements scolaires. Alors que nous sommes tous aussi intelligents et capables de réussir nos études. Mais hélas ! Il nous manquait quelque chose. Et cette chose, nous l’avions eue avec Crépine Gandaho Amoussou et toute son équipe d’accompagnement à travers son projet», témoignait Samirath Allagbé, porte-parole des élèves, lors de la cérémonie d’action de grâce et de distinction organisée par GAMEIA en août 2019. Prisca  Woundécon est également une ancienne élève encadrée par GAMEIA. « Elle m’a permis de vite m’améliorer en peu de temps. Mon niveau n’était pas médiocre mais passable. Quand j’ai commencé avec elle, j’ai beaucoup progressé. Je n’ai pas été 1ère mais j’ai été excellente sur certains aspects », témoigne la jeune étudiante qui a d’ailleurs obtenu son Bac A avec une mention « Assez-bien » et de meilleures notes dans les matières littéraires. « Ma fille avait des difficultés dans certaines matières. Mais le suivi était vraiment au point. On a connu un succès », renchérit Nicole, mère d’une bachelière retenue pour faire des études de médecine à Lomé. « Ce que vous faites est tellement bien. Ce que vous faites est tellement beau que tous les enfants béninois en manque d’accompagnement méritent de vous rencontrer sur leurs parcours  », a félicité Mariam Chabi Talata Zimé, 1ère vice-présidente du parlement béninois à la même occasion.

 « Vos enfants sont des trésors… »

La psychopédagogue et spécialiste en gestion des ressources humaines relève que certains parents ont une part de responsabilité dans l’échec de leurs enfants. Beaucoup de situations et comportements au sein de la famille, souligne-t-elle, sont nuisibles à la réussite des apprenants. « Parfois j’ai pitié. Les enfants souffrent psychologiquement. Souvent c’est les papas qui sont durs. Certains vont jusqu’à déclarer que l’enfant en cause n’est pas le leur, sinon il ne serait dernier de sa classe », déplore Crépine Gandaho Amoussou qui dénonce  « une torture morale infligée aux enfants ».

« Vous dites au enfants d’aller apprendre, est-ce que vous leur avez montré comment on étudie ? », interroge-t-elle. Selon Crépine, quand les enfants se sentent rabaissés ou rejetés à cause de leur faible niveau intellectuel, ils prennent la mauvaise voie.  « Estime de soi oblige ! Comme il ne travaille pas pour qu’on l’apprécie, il devient pagailleur. Et ce n’est ni bon pour ses parents, ni pour la société », fait remarquer l’enseignante. La psychopédagogue conseille aux parents d’éviter de comparer leurs enfants aux autres. Elle déconseille les insultes à l’endroit des enfants et conseille aux parents de plutôt créer les situations pour qu’ils (les enfants) fassent de bonnes choses. « Sachez que vos enfants sont des trésors. C’est vous qui faites d’eux ce qu’ils sont. Il suffit de leur montrer le chemin », insiste-t-elle.

Son Ong GAMEIA rêve d’avoir un centre propre à lui afin de pouvoir aider le plus d’apprenants dans le besoin. « Nous avons besoin d’un centre pour accueillir ces enfants et nous organiser pour l’encadrement. Ça nous aiderait à être beaucoup plus proches d’eux, parce ce que quand le suivi des parents manque, ça peut échouer », justifie Crépine Gandaho. « J’ai cette envie-là d’aider. Quand l’enfant réussit, j’ai une satisfaction morale », partage celle qui reste persuadée que tous les apprenants peuvent réussir quel que soit leur niveau intellectuel.

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